Avant Montrouge...

Avant Montrouge, j’avais découvert le travail de Louise Bossut lors de l’exposition De leur temps (4) à Nantes. Dans les propositions d’une collectionneuse prêteuse, nous avions remarqué une photo, Paysage Hollandais, vers Zierikzee, datée de 2007. On ne pouvait pas ne pas faire un lien avec la peinture de Vermeer. Cette première et immanquable impression nous renvoie à l’histoire de l’art, chaîne ininterrompue de travaux à travers le temps. C’est ce qui caractérise, sans conteste, le travail de Louise. Lorsqu’on la lit, elle dit puiser son inspiration dans l’univers muséal. Après notre première rencontre, ayant quelques heures libres, elle projetait d’aller au Louvre.


Comme Louise le fait, les artistes ont puisé leur inspiration dans l’héritage commun qu'est notre culture, travaillant autour d'archétypes créant ainsi une chaine continue à travers le temps et l’espace (pour l’exemple, l’exposition Picasso et ses maîtres). Elle le dit, on peut le voir, les sujets récurrents de l'histoire de l'art traversent toute sa recherche et production photographique.

Mais ce serait trop simple ou trop réducteur de dire que le travail de Louise Bossut n’est que la poursuite d’une trajectoire née dans le passé et la mémoire des initiés. Car tout en reprenant les genres de la tradition picturale ancienne à travers ses paysages, natures mortes, portraits nus ou habillés, elle accroche notre œil tout autant par le sujet que par la qualité et la modernité de son travail. Sa technique produit des images, prises à la chambre grand format, d’une remarquable précision. Cette méthode, de prise unique, demande une mise en scène et une organisation technique rigoureuse et donc une préparation qui s’étire dans le temps, loin d’un instantané pris sur le vif. Derrière son appareil, elle est dans la situation du peintre devant son chevalet. Comme lui, elle doit saisir dans ce monde qui l’entoure le sujet qui correspond à sa recherche. Un visage, un paysage peut évoquer un tableau, un style, une œuvre globale dans lequel Louise extraira mentalement son sujet et le créera avec les outils de la modernité. Un paysage de neige à Bruxelles sera traité à la manière de Breughel, un enfant (presque) nu, Achille, en souvenir d’un tableau de Picasso ou encore Vénus, nu féminin allongé, est un hommage à tous les nus de l'art.

Si la peinture est son héritage, la photographie, apprise à Bruxelles, à l’Ecole nationale des arts visuels de La Cambre, est le médium qui lui permet d’exprimer sa créativité. A cet héritage revendiqué, une distance s’impose car les sujets sont bien de notre temps. Regardez les paysages, les natures mortes, les portraits, rien n’est « pastiché », les plus banals détails sont reproduits.

L’œuvre de Louise, au-delà du plaisir répété de la vision, nous démontre que nous sommes les heureux héritiers de ce passé créatif. Giotto, Louise Bossut, même combat créatif? Je le lui souhaite.

Michel Poitevin
Catalogue de l'exposition
59e Salon de Montrouge - Mai 2014